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Violences corporelles : l’examen décisif du médecin légiste
© Steve Closset

Violences corporelles : l’examen décisif du médecin légiste

Lors d’une plainte pour coups et blessures, la victime doit faire l’objet d’un examen médical. Les conclusions de cette expertise peuvent entraîner de lourdes conséquences et le rôle du médecin légiste s’avérer dès lors décisif.

Il est possible qu’un examen médical se base sur des certificats incomplets, des descriptions inappropriées, des documents hospitaliers stéréotypés. A contrario, l’examen clinique approfondi réalisé par un professionnel de la violence, tel que le médecin spécialiste en médecine légale, permettra de guider les décisions importantes qui seront prises dans la gestion du dossier pénal et par-delà, la question de l’incapacité et de l’attribution des lésions notamment, ainsi que les peines et indemnités subséquentes.

La médecine légale : une médecine de la violence
Cette définition est intéressante, car elle démontre que la médecine légale - malheureusement peu connue du public et faussée par de nombreuses séries télévisées – ne se limite certainement pas à l’examen de la personne décédée.
En effet, notre activité journalière nous fait rencontrer les drames vécus par les victimes heureusement vivantes.
La violence physique, psychique et sexuelle est de plus en plus fréquente dans notre société, touchant la population en général mais aussi les violences aux femmes, aux enfants et aux victimes en état de faiblesse (personnes âgées et isolées, personnes portant un handicap, etc.)

La notion de "coups et blessures"
C’est une ancienne notion datant des origines de notre Code pénal belge, car en fait, qu’est-ce qui différencie un coup et une blessure ? Personne ne sait y répondre valablement. La loi n’a défini ni les blessures ni les coups. Cette notion est dès lors tirée de l’enseignement de la jurisprudence.
La Cour de cassation stipule qu’il faut entendre par blessures, la lésion externe ou interne, si légère soit-elle, apportée de l’extérieur au corps humain par une cause mécanique ou chimique agissant sur l’état physique ou mental de la victime.
Pour les coups, on considère le moyen employé : frapper, heurter, terrasser quelqu’un, pousser la victime sur un corps dur, jeter un objet dur sur quelqu’un (Beauthier, 1996; Schuind, 1993).
Pour les blessures, on envisage surtout le résultat obtenu (traces matérielles, causes mécaniques, causes chimiques…). Ainsi l’écorchure est une blessure. Il en est de même de l’infarctus du myocarde consécutif à un coup de poing.

L’examen d’expertise est primordial
La personne victime d’une agression corporelle prise rapidement en charge par le médecin légiste manifeste classiquement sa satisfaction.
Outre le fait que le premier réflexe est celui de l’étonnement - mais comment se fait-il que je sois convoqué-e chez le médecin légiste alors que je ne suis pas encore mort-e ? -, Elle se rend cependant vite compte que l’examen par ce professionnel requis par le magistrat, est différent : il peut prendre son temps et surtout inspecter les lésions dans les moindres détails, les décrire et les photographier.
C’est un outil essentiel pour le magistrat qui, à partir du rapport d’expertise, peut cibler tel ou tel article du Code pénal. C’est en effet la lésion et son importance, qui vont déterminer pour lui, la hauteur de la peine (le Code pénal est stricto sensu une codification des peines).
Un simple rappel[1] :
L’article 398 du Code pénal vise les coups simples. L’article 399 fait mention – tout comme l’article 400 – "d’incapacité de travail personnel, de maladie paraissant incurable, de mutilation grave, de la perte de l’usage absolu d’un organe".
La différence entre ces deux articles consiste en séquelles temporaires pour l’article 399 alors qu’elles deviennent permanentes pour l’article 400. Et les peines sont bien évidemment en proportion de toute cette différence.
Le ministre de la Justice a modifié en 2016 cette différence, en introduisant une notion de durée de l’incapacité. Une incapacité de travail personnel de plus de quatre mois est assimilable à une incapacité permanente de travail personnel et tombe dès lors sous le même couperet de l’article 400 (loi « pot-pourri II »). Dans le futur, elle sera considérée comme une atteinte à l’intégrité du troisième degré.

Article suivant : Violences corporelles : imputer les lésions et l’incapacité de travail personnel

Prof. Dr. François BEAUTHIER MD
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Prof. Dr. Jean-Pol BEAUTHIER MD PhD (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)
Institut Médico-légal Hainaut Namur, rue de Masses-Diarbois 112 – 6043 Charleroi 
Unité de médecine légale et d’anthropologie médico-légale - Laboratoire d’Anatomie, Biomécanique et Organogenèse (LABO – ULB Campus Érasme CP 619 - Bruxelles)

[1] Il est très intéressant de comparer le Code pénal toujours en vigueur, avec le projet de loi introduisant notamment le nouveau livre II du Code pénal, accessible via : https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/3518/55K3518001.pdf . Les atteintes à l’intégrité y sont classifiées par degrés.

Références – pour en savoir plus
Baccino E. Médecine de la violence pour le praticien. 3e édition. Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson (collection : "pour le praticien Masson"), 2024.

Beauthier J-P, Beauthier F, Raul J-S., Traumatologie médico-légale générale. In Beauthier JP (ed) : Traité de médecine légale et criminalistique, 3e édition. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur ; 2022. pp. 207-245.

Beauthier J-P (2007) L'atteinte aux personnes. Quelques articles du code pénal sous la loupe du médecin légiste. Revue belge du dommage corporel et de médecine légale, 34e année : 3-14.

Beauthier J-P (1996) Quelques réflexions à propos de l'expertise médico-légale en matière pénale. Revue belge du dommage corporel et de médecine légale, 23e année : 51-62.