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Une plongée dans le darkweb
© Stéphane Peeters

Une plongée dans le darkweb

Après avoir levé la confusion entre les termes deepweb, darkweb et darknet, un lieu commun mérite d’être examiné. Il consiste à résumer le darkweb à ses aspects sombres quand il devient synonyme de criminalité. Nous verrons qu’il est plus que cela.

Les deux faces du Web

L’utilisateur lambda d’Internet navigue surtout sur ce que l’on nomme le Web surfacique aussi qualifié de visible. Il s’agit de la partie du World Wide Web (WWW) accessible en ligne et « indexable » par des moteurs de recherche comme Google ou Yahoo. Concrètement, on peut ainsi retrouver relativement facilement des documents ou des sites en utilisant des mots-clefs. Pourtant selon certains spécialistes, Il ne représenterait qu’environ 10% du contenu de la toile.

Mais l’essentiel du Web, sur le plan quantitatif, est constitué par le Deepweb, le Web profond ou invisible, ainsi appelé parce qu’il n’est pas indexé par des moteurs de recherche généralistes, tout en étant accessible via un navigateur Web standard. On considère que plus de 70% du trafic Internet s’y déroulerait. Il contient une somme extrêmement importante d’informations et de bases de données (intranets professionnels, fichiers personnels médicaux, données d'entreprises, universités, administrations publiques, services gouvernementaux…), uniquement accessibles par des personnes spécifiques. En effet, il faut connaître l'adresse l'URL exacte de ces sites pour y accéder et ils sont parfois protégés par des mots de passe.

Darkweb et darknet

Le darkweb constitue une partie du deepweb. Son accès demande l’utilisation d’un navigateur spécial comme Tor, Freenet, I2P ou GNUnet. A noter que pour mieux sécuriser, les pages du darkweb, leurs URL peuvent être modifiées régulièrement.

Quant au darknet, il comprend l’ensemble des darknets qui sont l’infrastructure sur laquelle repose le darkweb. Il s’agit de réseaux parallèles, accessibles via des logiciels, ports ou protocoles spécifiques dont les plus connus sont les réseaux Peer to Peer (P2P) sur lequel les utilisateurs se partagent des téléchargements.
Plus simplement, le darknet – le contenant - désigne une infrastructure physique, un réseau peu accessible, tandis que le darkweb est relatif au contenu que l’on y trouve dessus.

Que contient le darknet ?

On ne peut dissocier la question du contenu de celle de ses utilisateurs motivés par son côté secret et ses accès limités. Ainsi, la notoriété du darknet repose avant tout sur ses applications illégales : trafic de stupéfiants et d’armes, diffusion d’images de pédopornographie, vente de faux passeports ou diplômes, etc. Il constitue alors une aubaine pour toutes sortes de criminels.
A savoir aussi que les hackers y partagent leurs connaissances à travers des blogs, forums ou wikis. Le darknet héberge des « services de piratage » de réseaux sociaux ou de comptes bancaires par exemple. On peut aussi y trouver des logiciels malveillants tels que les virus ou les chevaux de Troie.

Pourtant, d’autres personnes ont tout intérêt à l’utiliser afin de protéger leurs données personnelles pour des raisons de sécurité et à des fins généralement plus honorables.  Qui sont-elles ?
On considère que les grandes organisations de journalistes (ex : Reporters sans frontières) en sont les principaux promoteurs, notamment en proposant un « kit de survie numérique » afin de protéger les reporters de guerre et les journalistes d’investigation. Notons que ce kit comprend un ensemble d’articles permettant aux acteurs de l’information d’apprendre à contourner la censure et à se prémunir de la surveillance en ligne. Rappelons aussi que le darknet est le seul espace d’expression dans certains pays où la censure frappe lourdement.
Cette même censure motive les dissidents et les lanceurs d’alerte à l’utiliser pour se protéger dans des Etats où la surveillance de masse constitue la règle et la répression arbitraire frappe les opposants voire tous les comportements jugés illégaux ou simplement déviants (ex : LGBTQIA+) par les autorités.

En résumé, en matière de contenus, si le darknet favorise des activités illégales, il contient bien d’autres éléments tout à fait appréciables comme des forums de discussion, des outils permettant par exemple de créer un site, des messages, des bibliothèques numériques, etc.

Enfin, il n’est pas inutile de rappeler une possibilité parfois méconnue. En effet, même sur le web surfacique, en utilisant un navigateur classique (ex : Chrome), il est possible de naviguer de manière sécurisée. Pour ce faire, il convient d’utiliser un logiciel appelé VPN (Virtual Private Network).  Celui-ci permet notamment de :

  • Protéger ses données sur Internet en chiffrant le trafic entrant et sortant du PC ;
  • Naviguer de manière anonyme et changer son adresse IP ;
  • Cacher son emplacement pour éviter toute surveillance (en particulier sur les réseaux WiFi publics) ;
  • Contourner la censure en ligne.

Claude BOTTAMEDI
Chef de corps d’une zone de police er

Sources :
Chatelain Yannick, Le(s) darknet, pour qui ? Pour quoi ? Comment ? (Accéder au(x) Darknet), 2024, sur :
https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/le-s-darknet-pour-qui-pour-quoi-comment-acceder-au-x-darknet

Stéphane Bortzmeyer, Cyberstructure : l'Internet, un espace politique, Caen (France), C&F éditions, novembre 2018