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La généalogie génétique au secours des enquêteurs
© Eric Lalmand & Lisa Van Damme

La généalogie génétique au secours des enquêteurs

L’ADN joue un rôle important dans les enquêtes criminelles, pour identifier un suspect, l’incriminer voire le disculper. Faut-il encore que son profil ADN soit inclus dans la banque de données ad hoc. A défaut, la généalogie génétique pourrait aider.

L’intérêt de l’ADN
Pour faire simple, le corps humain est constitué de milliards de ”cellules” comprenant chacune un noyau qui contient toute notre information génétique. Celle-ci est contenue dans nos chromosomes où l’on trouve l’ADN, une longue molécule à double chaîne, comportant toutes les informations nécessaires au développement et au fonctionnement du corps. C’est aussi l'élément fondamental des caractéristiques génétiques d'une personne car la probabilité d’une correspondance d’ADN entre deux personnes est plus ou moins de 1 sur 1 milliard.
Sur le plan forensique, l’ADN a de nombreux intérêts : il est identique dans chaque cellule d’un individu ; il ne change pas même lors de la décomposition du corps ; il est hérité à moitié du père et de la mère ; il est unique sauf pour les jumeaux et, même dans ce cas, il peut se différencier au cours de la vie à cause de différents facteurs (ex : tabac).

Où trouver l’ADN ?
Dans une affaire criminelle, l’expert va rechercher des traces contenant pas mal d’ADN, soit les traces de sang, de salive et de sperme. Evidemment, plus on en trouve et plus les chances d’établir un profil augmentent. Il faut aussi qu’elles soient de bonne qualité (ex : non polluée) pour être exploitables.
Mais il peut aussi rechercher de l’ADN de contact, celui qui est déposé sur une personne (ex : victime) ou sur un objet (ex : un mégot ou une arme) par la main, les lèvres, etc. 

Comment ces traces sont-elles exploitées ?
A partir de ces traces, un profil génétique va être établi. Rappelons qu’il est unique mais, qu’à ce moment-là, il est encore inconnu. Il s’agit donc de savoir à qui il appartient et, pour cela, il conviendra de le comparer avec ce que l’on appelle des échantillons de référence, soit ceux que l’on prélève sur des personnes connues.
Ces échantillons peuvent déjà être contenus dans la banque de données « ADN condamnés ». A savoir qu’il est actuellement possible d’échanger et de comparer les profils ADN dans le cadre d’accords entre les 27 pays de l’UE, l’U.K., la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Lichtenstein. Il est aussi possible, selon les éléments de l’enquête et à certaines conditions, de procéder à des comparaisons avec des « suspects » apparaissant dans le dossier dans lequel des traces ont été découvertes.

Trois précisions s’imposent. D’abord, ces devoirs sont réalisés à la demande d’un magistrat qui indique ce qu’il convient de faire. Ensuite, une comparaison positive doit être complétée par d’autres devoirs car la présence de traces peut trouver des explications sans rapport avec la commission des faits. Enfin, il existe aussi une banque de données « ADN Criminalistique » comprenant des traces inconnues recueillies sur des scènes de crime, au sens large.
Et si ces premières comparaisons ne permettent pas de mettre un nom sur la trace découverte, une autre possibilité s’offre aux enquêteurs.

La généalogie génétique
En 1975, en Pays de Galles, trois jeunes filles sont assassinées et il apparaît que l’auteur des faits a laissé son ADN sur la scène de crime. Inconnu des banques de données, il va pourtant être identifié bien plus tard.
Dans les années 70 et 80, un « tueur en série » sévit en Californie, mais il va échapper aux enquêteurs jusqu’en avril 2018, alors que son profil ADN a été établi.
Dans toutes ces affaires, la démarche est partie d’une même logique. Un individu hérite du patrimoine génétique de ses père et mère et, avec certaines différences et selon des proportions différentes, il est en de même des membres de sa famille (frère, sœur, cousins, etc.). Partant de cette réalité biologique, est née ce qui a été appelé la « recherche ADN en parentèle » ou « family search ». En d’autres termes, à défaut de trouver le profil ADN de l’auteur, il s’agit de rechercher un ADN proche parmi les personnes déjà fichées. Et si une personne est identifiée, on dresse son « arbre généalogique » et, partant de l’hypothèse que l’auteur est un membre de sa famille, on établit une liste de suspect. 
Il reste alors à affiner cette liste. D’abord, les traces découvertes sur la scène du crime peuvent donner des indications, comme le sexe de l’auteur. Ensuite une enquête classique sera menée en utilisant les premières constatations. Par exemple, pour commettre ces faits, l’auteur doit être athlétique, relativement jeune, bien connaître la région, etc.   
Enfin, il s’agira de procéder à la comparaison de l’ADN découvert sur la scène de crime avec ceux des quelques suspects de la dernière liste établie.  

La vie privée 
Cette méthode peut être efficace mais elle n’en pose pas moins des questions lourdes quant au respect de la vie privée. Notamment, si la recherche par parentèle s’effectue à l’aide des banques de données judiciaires, les policiers américains précités ont interrogé la banque de données privée « MyHeritage », la détournant ainsi de ses finalités. En outre, des personnes innocentes se retrouvent dans une liste de suspects pour une simple raison de parenté.  

La loi belge 
Il faut savoir que la loi du 7 mars 2024 permet désormais la « recherche familiale », soit « la recherche du père, de la mère, des fils, des filles, des frères ou des sœurs biologiques de la source d'un profil ADN non identifié provenant d'une trace découverte, sur la base d'une comparaison de ce profil ADN avec les profils ADN des échantillons de référence enregistrés dans les banques nationales de données ADN ‘Criminalistique ‘ et ‘Condamnés’. »
Explicitement, cette recherche n’est donc possible que dans les bases de données judiciaires. 


Claude BOTTAMEDI
Chef de corps d’une zone de police er

Sources :
"Ce que vous devez savoir à propos de l’analyse forensique", INCC, sur https://incc.fgov.be/identification-genetique

"Les clefs de la génétique pour tous", sur : https://www.genetique-medicale.fr/en-chiffres-et-en-images/article/les-notions-pour-mieux-comprendre-la-genetique